Edouard Daladier et « la Retirada »

Edouard Daladier, c’est le grand inconnu de l’histoire. Plus personne (ou presque) ne connaît son nom de nos jours. Réputé pour son intégrité, son impartialité, et pour ses efforts lors des accords de Munich (1938) pour éviter une seconde guerre mondiale, il est quasiment impossible de mettre la main sur des articles parlant de ses méfaits. Et pourtant…


France Culture a posté, le jeudi 30 janvier 2019, une vidéo retraçant la vie de Josep Bartoli, un dessinateur espagnol immigré en France durant ce qu’on appelle la « Retirada » (l’exode des républicains espagnols fuyant le franquisme) et enfermé dans un des camps de concentration destinés à endiguer l’exode espagnol. Quel est le rapport, allez-vous me demander… Dans la vidéo de France Culture, Edouard Daladier est à peine cité, et même pas officiellement accusé. Et pourtant, il a bien eu un rôle à jouer.

Son arrivée au gouvernement en 1938 marque un tournant dans la politique d’accueil des immigrés avec une montée de sentiments xénophobes et une majorité politique radicale-socialiste. Au départ assez bien organisé, cet accueil tourne rapidement au cauchemar : il n’y a plus d’argent, plus de vivres, et le gouvernement panique sous l’arrivée en masse des immigrés. Début 1939, en l’espace d’une quinzaine de jours, près d’un demi-million d’espagnols traversent la frontière. La majorité d’entre eux sont des civils, et les autres, des républicains. Mais en France, ces « hordes de rouges » font peur. La réponse du gouvernement est simple : Daladier ouvre des camps de concentration. Les hommes pouvant travailler son enrôlés de force dans des Compagnies de travailleurs étrangers et les autres sont remis entre les mains de la justice espagnole qu’ils étaient justement en train de fuir. Les conditions de vie sont déplorables. Ceux qui arrivent à s’enfuir essais de rejoindre les rangs de l’armée française ou de la Résistance.

Edouard Daladier (1884-1970) – Droit d’auteur IonP2010 (Flickr)

A la fin de la guerre, en 1945, seulement 240 000 espagnols sont encore en France. Que sont devenus les autres ? Ont-ils fui vers d’autres pays ? Sont-ils morts ? Ont-ils préféré retourner en Espagne malgré le franquisme plutôt de que rester en France ? Je n’ai pas la réponse à ces questions. Quatre-vingts ans plus tard, leurs petits-enfants sont français et ignorent pour la plupart tout de ces faits. Pas un mot de tout cela dans les livres de classe. Rarement, un article apparaît, discret, invisible, et disparaît dans l’oubli. On peut se poser encore et toujours les mêmes questions : Est-ce délibérément de la censure ? Est-ce seulement un ’’oubli’’ des historiens qui ont retranscrit les faits ? Ou alors est-ce encore et toujours le peuple qui a préféré fermer les yeux sur ses propres atrocités pour montrer du doigt celle des autres… La réponse est sûrement un savant mélange des trois. Mais le fait est que Daladier, l’homme intègre, celui qui avait pris l’initiative de faire un « pacte » entre l’Allemagne, l’Italie, la Grande-Bretagne et la France pour éviter une seconde Grande Guerre, a en fait bien du sang sur les mains.

Et vous ? Etiez-vous au courant des camps de concentration pour les réfugiés de la Retirada ? Que pensez-vous qu’il se soit passé pour qu’on en sache si peu aujourd’hui ?


Sources :


Commentaires

  1. J'ai appris beaucoup avec cet article ! Merci ! Je ne savais rien sur cet homme, ni les camps de concentration pour les réfugiés de la 'Retirada'. Je viens de regarder les vidéos qui vous ont attaché aussi. Très informant !

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